D'accord, Querciabella est pour moi l'un des domaines les plus forts et, sans aucun doute, les plus performants du moment au sein de toute l'appellation Chianti Classico. Une appellation qui, entre-temps (!), pourrait bien retrouver sa place légitime parmi les régions viticoles les plus importantes de la planète ! Mais c'était différent autrefois…
Quand j'ai commencé à travailler le week-end au Spiga d'Oro, le restaurant de mes parents, le monde était complètement différent. Retour en 2001/2002. L'interdiction générale de fumer dans le secteur de la restauration n'était (malheureusement) pas encore en vigueur et ma tâche principale consistait à prendre les manteaux des clients, à servir l'eau, à débarrasser les verres et, oui, à remplacer et nettoyer les cendriers. À l'époque, des noms exotiques comme Beta, Delta et Omikron n'intéressaient que les érudits grecs. Anderlecht enchaînait les titres nationaux et (oui, nous revenons enfin à notre histoire !) le Chianti (Classico) n'était plus que l'ombre de lui-même.
Le Chianti Classico était alors synonyme de fiascos spectaculaires. Le nom de la bouteille n'avait pas été volé : cette bouteille panier typique, vous savez, celle recouverte de paille, était typique du Chianti et s'appelait littéralement « Fiasco »… Elle contenait un vin rouge maigre et acide, aux tanins très anguleux et d'une longueur digne d'un nain de jardin. Le consommateur le savait pertinemment et évitait le Chianti Classico dès qu'il le pouvait. Et il avait raison. Le Chianti Classico était devenu la risée (videz la bouteille et enfoncez une bougie dedans, au moins vous aviez quelque chose à voir avec la bouteille !) et les rares grands producteurs de l'appellation furent contraints d'étiqueter leurs vins « Vino di Tavola » au lieu de Chianti ou Chianti Classico.
Mais les temps changent ! L'interdiction de fumer a été instaurée, nous savons tous maintenant ce que signifient Delta et Omikron, les titres d'Anderlecht et nationaux ne sont (pour l'instant) plus mis en parallèle, et le Chianti Classico a été frappé par un véritable tsunami de qualité. Comment cela est-il arrivé, demandez-vous ? Eh bien, une combinaison de facteurs en fait. Au Chianti (Classico), on savait aussi que les choses ne pouvaient pas continuer ainsi, que les quantités devaient diminuer tandis que la qualité devait augmenter considérablement. Parallèlement, la pression concurrentielle des pays dits du « Nouveau Monde », capables d'allier qualité et prix compétitifs (du moins à l'époque), était forte. Et, surtout, une nouvelle génération était prête : des vignerons soucieux du terroir et dotés d'un savoir-faire reconnu. Fils et filles de vignerons ayant effectué des stages à l'étranger et venus partager leur savoir-faire dans leur belle région. Ajoutez à cela quelques investissements étrangers, suivis d'un œnotourisme redynamisé, et nous y sommes presque.

L'un des domaines touchés par ce tsunami était le seul et unique « bel arbre » de Crombé : Querciabella, situé dans la commune de Greve in Chianti, avec une belle allée bordée de magnifiques chênes. Le domaine, perché sur une colline, domine ses vignes. Ce fut l'un des tout premiers domaines du Chianti Classico à obtenir un certificat de biodynamie. Aujourd'hui, ils travaillent même entièrement en biodynamie végétalienne (ça a l'air complexe, mais c'est complexe…). Si Querciabella est un domaine de prédilection pour de nombreux guides, critiques et blogueurs (et passionnés de vin, comme moi) c'est aussi grâce à son altitude. Les vignes sont situées à plus de 600 m d'altitude, ce qui assure un refroidissement suffisant, un détail crucial en période de réchauffement climatique. Et enfin, il y a le vigneron. Le célèbre Giacomo Tachis y a autrefois mis la main à la pâte, mais c'est aujourd'hui le Sud-Africain Manfred Ing qui est aux commandes. Et s'il y a un nom très célèbre en Toscane (un peu comme le semi-belge Matthieu Blazy chez Bottega Veneta), c'est bien Manfred Ing !
Cela semble trop beau et trop subjectif pour être vrai ? Écoutez, dans mon premier paragraphe, je vous ai promis, cher lecteur, de ne pas mentir. Eh bien, je ne le ferai pas. Laissez-moi vous le prouver. Offrez-vous une bouteille de Chianti Classico 2018 de Querciabella. Le Chianti Classico de base vous coûtera 19,60 €, et vous en tirerez près de 100 € de vin en retour. Ça vous paraît toujours excessif ? Oua ...
Jancis -> « Robe rubis. Rouge toscan très équilibré, d'une transparence supérieure. Sans aspérités, mais offrant néanmoins de belles perspectives de développement. Vraiment magnifique à ce stade. Exactement ce qu'on attend d'un Chianti Classico. Bravo ! Achetez-le ! »
Walter -> « Robe pourpre moyenne à profonde. Nez magnifique de cerise et parfum de boîte à cigares. En bouche, des fruits juteux et succulents, et des tanins soyeux qui s'imposent. Bel équilibre, élégant et concentré à la fois. Longueur et concentration étonnantes. »